Dresden Cooper

Edimbourg. Il fait froid ce matin. Le crachin qui s’abat depuis la morne aube sur les murs grisâtres de la ville fait flotter une brume étrange dans les ruelles de la ville.  Malgré ma parka et mon sweet à capuche, j’ai l’impression que l’humidité s’est infiltrée dans chacun de mes os. 11h55, ça va être juste pour être à l’heure. Il faut dire que le foutu bus déglingué qui me prend devant le lycée est encore arrivé en retard, comme d’habitude. J’allume une clope pour occuper  les 10 minutes de marche qui séparent l’arrêt de la morgue. Le temps de repenser à hier soir et à ce connard de Saul qui m’a encore emmerdé, j’ai peut-être réagi trop violemment, mais il l’a bien cherché cet abruti. Est-ce que c’est de ma faute si je me tape des trips de junkie sans pourtant rien m’enfiler dans les veines ?

Un frisson. Merde, quand j’y repense ces délires me foutent les jetons même à moi. Parfois c’est agréable, presque reposant, ces lieux que je vois, mais des fois ça file vraiment la frousse. Comme hier soir. Je sais pas si c’est l’ambiance musicale que nous avait mis Randy, mais ce que j’ai vu, ressenti… ce froid, pas comme le temps d’ici, un froid plus… mortuaire, ouais. Peut-être qu’il faut que j’arrête ce job à la morgue comme me le surine mon vieux. Enfin pareil, si je commençais à l’écouter je finirai nonne dans un monastère des Highlands. Depuis que la mère a foutu le camp, la faute à un putains de cancer, le vieux essaie de jouer au bon père en oubliant qu’à trop téter sur la bouteille on en devient moins crédible sur ses propres conseils.

La morgue. J’ai trouvé ce job y’a maintenant 6 mois. Les autres trouvent ça bizarre de bosser là, mais moi je trouve ça reposant. Enfin si c’est pas ça qui me refile mes putains de visions hantées. Au moins, quand je répare les corps pour la présentation aux familles, on vient pas m’emmerder. Et puis c’est pas si mal payé. Ca m’oblige pas à faire la pute comme ma conne de frangine qui se croit obligé de cumuler les mecs pour pouvoir se payer son maquillage et ses sapes pour faire la belle en boîte. Quelle conne. Comment peut-on être aussi dissemblable. Ce que je comprends pas, c’est pourquoi le vieux m’emmerde moi et lui fout la paix à elle.

Atmosphère surannée de l’accueil. Je descends direct au sous-sol, de toute façon personne ne se soucie de ma présence ou pas. Familiarité des carreaux blancs qui recouvrent intégralement les différentes chambres du sous-sol. Table de fer sur lesquels sont disposés les corps. Par contre y’a un truc qui pue. Une odeur bizarre. Pas celle des macchabs, ça j’ai l’habitude. Non ? un drôle de truc. Bon, peut-être qu’un rat crevé s’est glissé derrière une armoire. Je pose ma parka sur le porte-manteau et m’allume une autre clope. Je saisi le dossier qu’à laisser à mon intention Derek : Juliane Mac Fearly. Accident de voiture. Moche d’après les photos. Le corps est dans la salle 3. J’enfile ma blouse et les gants de latex avant de me diriger vers la salle concernée. Bruit métallique. Je m’immobilise immédiatement, clouée par la  panique. Il me faut de longues secondes pour bouger à nouveau lorsque le silence complet est revenu. Merde faut vraiment que j’arrête avec mes conneries moi aussi, ces histoires de bad trips sont en train de me cramer le cerveau.

Je rentre dans la salle 3. Faudrait peut-être que je vois un médecin d’ailleurs. Ces histoires de visions macabres ont commencé depuis le décès de maman. Comme annoncé, la pauvre Julianne a été salement amochée dans son accident. Y’en a pour deux bonnes heures de travail pour la rendre présentable. Je prépare méticuleusement mes instruments. Je suis plutôt douée pour recoudre les macchabs et ça me permet de me faire la main pour intégrer la fac de médecine si j’ai mon diplôme cette année. Ce que j’aime quand je fais ce job, c’est que j’oublie tout le reste. Concentrée avant d’à nouveau sursauter. Un grondement sourd derrière moi. Un grondement qui ferait passer la basse d’un groupe de black métal pour une berceuse. Je n’ai pas envie de me retourner, ce n’est sûrement que l’une de ces putains d’illusions qui se font dans ma tête. Lentement, comme si quelque sbire de Chronos avait décidé que le temps s’égrainerait moins vite, je fais pourtant un demi-tour sur moi-même.

Il est là. Vision de cauchemar, inhumain. Sa masse l’oblige à se courber pour tenir dans l’encadrement de la porte. L’homme-loup des contes, le mangeur de chair. Je n’ai pas un mouvement de recul, seul me fascine l’immonde fluide visqueux qui s’échappe de son orbite, précisément là où devrait se trouver un œil malgré sa face de loup.

Incongrument je pense au petit chaperon rouge.

C’est ma dernière pensée cohérente ( !!) avant que la peur n’envahisse mon esprit. Une peur libératrice, qui brise les chaînes de mes frustrations. Une rage bienfaitrice s’empare de moi. Je ne mourrai pas aujourd’hui.

La famille humaine:

Paul Cooper:
Paul est un homme détruit. Totalement épris de la femme qu'il a épousé, bien plus intelligente et capable que lui, il le savait, il n'a jamais réussi à faire son deuil lorsque celle-ci est décédée des suites d'un cancer des os. Il noie son chagrin dans la bouteille, tient une petite épicerie et ne comprend pas ses filles. Il perçoit vaguement que Dresden a hérité de sa mère, et c'est en ce sens qu'il cherche à la pousser à s'élever, mais il le fait mal.

Connie Cooper:
Connie croit encore au prince charmant qui viendra la sortir de la précarité de sa vie, entre un père alcoolo et une soeur "bizarre". Mais on trouve rarement le Prince charmant en ouvrant ses cuisses à tous ceux qui vous font miroiter l'amour et un avenir meilleur...