Danse avec les loups

Rassurée par ta maman sur le fait qu’elle veillera sur le reste de ta famille, tu sors du quartier fait d’habitations de bric et de broc, jusqu’à rejoindre la route en terre battue qui jouxte les habitations. Tu n’as aucun mal à te trouver un taxi délabré dont la seule bonne humeur de Prince, ton chauffeur, semble faire tenir ensemble les différents éléments de la carrosserie. La sono trop forte crache des rythmes d’Azonto en boucle. Comme tous les taxi-man du Nigéria, le tien roule beaucoup trop vite, et alors que la nuit commence à envelopper la ville de son linceul de ténèbres, il te dépose sur les quais du port, non loin du hangar 18. Avant de repartir, à toute blinde, il te lâche comme un sombre avertissement :

- Ma chérie, je sais pas ce que tu viens faire ici, mais y’a rien de bon pour les jolis petits lots comme toi par ici. Fais confiance à Prince, Tu devrais pas trop traîner là, c’est la zone.

Alors que la voiture s’échappe dans un nuage de dioxyde de carbone, force est de reconnaître que le taxi-man n’a pas tort. Des lampadaires à la lueur jaunâtre combattent à grand peine les ténèbres pour laisser apparaître les tôles rouillées par l’air marin des entrepôts qui se succèdent. Les ombres furtives des dockers s’activent un peu plus loin pour expulser du ventre d’immenses cargos les cargaisons qui alimentent l’un des plus gros hub portuaire de l’Afrique. Seuls le clapotis de la mer contre les quais et la légère brise marine qui atténue la chaleur apportent un peu de réconfort au décor tiré d’un mauvais polar qui te fait face.

19h20. Djibril t’a donné rendez-vous au Hangar 18 dans 10 minutes. Ce qui te laisse peu de temps pour repérer les lieux. Sur la défensive, tu longes pas moins de six hangars pour arriver jusqu’au 18. Vaste entrepôt de métal dont le prolongement s’enfonce dans les ténèbres, rien ne le distingue de ceux que tu as passé jusqu’à présent. En dehors du grincement lointain des grues de déchargement des cargos et les voix en sourdine des dockers, l’endroit est plongé dans le silence. La façade qui se dresse face à la mer abrite une vaste porte à double battant, verrouillée par une lourde chaîne. Il te faudrait t’enfoncer dans les ténèbres pour voir si le hangar dispose d’autres entrées que la principale.

19h26. Tu réalises que le rendez-vous de Djibril était bien vague, et alors que tu hésites sur la démarche à suivre, tes yeux percent l’obscurité pour distinguer une forme humanoïde qui s’approche dans ta direction, accompagnée par ce qui doit être un chien. Un très gros chien, dont le grondement sourd n’a rien d’engageant. Tu n’as pas de doutes sur le fait qu’ils t’ont vu. Quant à savoir quelles sont les intentions, il te revient de décider si tu vas rester à attendre la réponse ou non.

Je ne peux retenir un soupir de contrariété à la vu de l'homme et de son animal. J'ai des choses à faire, urgentes qui ne saurait attendre, ni être ralenties.
Les avertissements des diverses personnes que j'ai pu rencontrer ces derniers jours résonnent encore dans ma tête et c'est les yeux plissés de suspicion que je me concentre sur l'homme, pendant les secondes de répit qu'il me reste avant qu'il ne commence à s'adresser -ou pire- à moi. [Sentir le Ver]

S'il s'avère que l'homme ne sent rien, alors je me contente de me diriger lui, inondant son esprit de la Gloire de Gaia notre mère afin de poursuivre ma route sans plus me soucier de lui. [Éblouir]

S'il sent, alors cela veut dire que mon frère est dans des ennuis qui je l'espère, ne lui seront pas fatals... je me dirige vers l'homme tout en étant vigilante, prête à la confrontation. [Sentir la Vrai Forme]

Le corridor encastré par les hauts murs de tôle rouillée des deux entrepôts atténue les sons provenant de l’activité portuaire. L’air semble inerte, étouffé par la chaleur de la journée, mais la salinité ambiante picote tout de même votre odorat. Les ténèbres qui vous réduisaient à l’état de formes indistinctes s’évaporent à mesure que vous vous rapprochez les uns des autres.

Nihahsah :

A l’approche de l’humanoïde et son chien, tu étends tes sens pour flairer une émanation de corruption surnaturelle qui ne te parvient pas. L’individu n’est pas souillée par le grand Destructeur. Rassérénée par ce constat, tu utilises le pouvoir de Licorne pour envoyer une onde imagée de la paix de Gaïa dans l’esprit de l'homme que tu vas croiser [3 Succès].  A présent à quelques mètres d’eux, tu peux les détailler à loisir et il faut t’avouer surprise. Sans en avoir jamais croisé, tu as la certitude que ce n’est pas un chien qui accompagne l’européen, mais bien un loup. A la réflexion, il est également assez curieux de rencontrer un occidental ici et à cette heure-là….

Gipsy :

A la vue de la courte silhouette qui vient dans votre direction, Léa, sous forme lupus, se met à gronder. Toi-même sur tes gardes, tu t’apprêtes à prendre une posture défensive lorsqu’une vague de bien-être traverse ton échine. Ton esprit est envahi de senteurs multiples : humus, parfum floral, eau fraîche que ton esprit associe immédiatement aux souvenirs de tes voyages qui t’ont conduit à mesurer la multiplicité de la splendeur de Gaïa.  L’instant est court mais puissant, et ta vigilance s'éteint quelques secondes, assez pour que la jeune africaine qui s’approchait de vous ne ralentisse sa marche rapide et vous toise avec étonnement.  

Seul le grondement affermi de Léa vient troubler cet instant suspendu.

Mes sens aux aguets ne peuvent empêcher mon esprit de tourner sans relâche pendant qu’avec Léa nous menons nos investigations dans le hangar, à la recherche de nouvelles présences du Ver.

Je ne peux d’ailleurs réprimer un profond sentiment de tristesse devant la violence et l’ironie cinglante de nos premiers pas sur ce sol étranger. Les parents qui tuent leurs propres enfants, les familles déchirées, l’empreinte du Grand Ver… Malheureusement, tout est trop connu, trop habituel. Les paroles de Pattes-Agiles me reviennent un instant en tête, et toute la vérité intrinsèque de son conte, il y a presque une éternité de cela. Oui, nos maux sont les mêmes où que nous soyons, et c’est être aveugle que de penser le contraire, et de ne pas mettre toutes nos forces unies dans la bataille.

Dans ces moments, malgré la tension ambiante, tandis que nous avançons, je constate non sans une certaine satisfaction, mêlée d’une touche d’ironie, que naturellement la louve qui m’accompagne et moi arrivons à marcher de concert, comme si c’était le cas depuis toujours, tendus vers un même objectif. Et un bref éclair de satisfaction passe dans mon regard devant ce constat rassurant.

Mais je ne dois pas me laisser déconcentrer par mes considérations intérieures. J’ai trop voyagé, seul ou avec Edad, pour ne pas savoir le destin qui attend celui qui relâche son attention, surtout dans un lieu tel que celui-ci.

Nous approchons de la sortie de l’entrepôt, je le vois, et je peux le sentir car un petit air chaud charrie les odeurs marines bien plus fortement que celles présentes à l’intérieur.
Ainsi qu’autre chose, une présence, un être vivant qui s’approche de nous. Les dons de notre Mère continuent d’accroître mes perceptions [sentir le Ver + Heightened senses] tandis que la silhouette s’approche.

Alors que se dessinent les traits de la jeune africaine, je me sens totalement empli d’une impression merveilleuse et totalement inattendue en ces lieux. Notre Mère est présente, et nous fait sentir sa Présence à nulle autre pareille. Je ferme un instant les yeux, porté par le moment, et mon corps tendu à l’extrême se détend, comme plongé dans un bain tiède et parfumé.

Quand je rouvre mes yeux, la jeune africaine est devant moi. Elle semble surprise. Je le suis aussi, mes sourcils s’arquent vers le ciel, mes yeux s’agrandissent et un instant je semble légèrement déstabilisé par l’enchaînement des évènements.

Le grondement de Léa qui reprend ses sens intervient à l’instant nécessaire. La surprise fait place à la détermination.

Mon visage reprend une neutralité plutôt avenante, sans montrer la moindre agressivité manifeste, même si mes réflexes reprennent le dessus et que je reste sur mes gardes.
Un triste sourire commence même à se dessiner sur mes traits quand je réalise quelque chose. Je prends la parole d’une voix douce et mélodieuse, la plus calme possible, tout en pliant mes coudes et levant mes mains paumes en avant devant mon poitrail, en direction de la visiteuse.

Paix ! dis-je d’abord en captant son regard. Nous ne sommes pas des ennemis.

La prise de conscience jointe au grondement de l'animal me font m'arrêter, tandis que je prononce un juron dans ce qui est probablement une langue locale. Mes yeux sont plissés de suspicion, ma bouche pincée et mes mâchoires serrées. Sur mes gardes devant la réaction de l'animal, celle de l'occidentale qui l'accompagne me pousse néanmoins à ne pas faire preuve d'agressivité immédiate malgré le stress qui m'anime. [Sentir la Vraie Forme]

Je plonge mon regard dans les yeux de l'homme un court instant, gardant en visuel la louve qui gronde. Je n'ai pas de temps à vous consacrer. Que viennent faire un occidental et un loup en Terre Noire? Si mon ton n'est pas agressif, il est loin d'être bienveillant et il règne dans mes paroles une menace latente.

L’attitude et la réponse de la jeune femme face à moi provoquent en moi un sentiment que je ne connais que trop bien. Le rejet et la suspicion, comme toujours, et avant toute autre considération ou explication. Je ne le montre pas, car j’ai appris à refouler cette colère qui malgré moi me serre la gorge à chaque nouvelle réception de la sorte.

Mon visage reste donc calme, bien qu'un peu figé dans cette expression de neutralité avenante, et l’une de mes mains descend, sans brusquerie inutile, en direction de la louve à côté de moi, tendue en signe d’apaisement, avant que sa réaction que j’anticipe aisément ne vienne jeter plus de trouble encore sur la situation en cours.

Cependant je ne baisse pas les yeux quand mon interlocutrice répond à mon premier regard, bien au contraire, car je sais ce qui est nécessaire pour montrer ma conviction et ma compréhension.
Puis je prends la parole pour répondre à sa dernière question, qui n’a d’ailleurs que renforcé le petit sourire triste en forme de rictus qui s’est formé au coin de mes lèvres.

Un Occidental et une Louve, oui. Mais la Terre n’a pas de couleur, elle n’a que des enfants, quels que soient leurs traits, et aussi loin que vous portent vos pas. Je suis un voyageur, venu ici pour répondre à un appel, et à une urgence. Dis-je d’un ton le plus posé possible, faisant jouer tout mon savoir-faire de Chante-conte.

Puis, je réprime ensuite un petit soupir avant de poursuivre, fataliste au regard des nouvelles que je me vois maintenant obligé de porter à la jeune femme.
Je le regrette, je ne suis pas porteur de bonnes nouvelles. Mais je ne suis pas non plus, ni mon amie à côté de moi, responsable de vos maux actuels.

Je marque une très courte pause, cherchant les bons mots, devant l’impossible tâche qui m’attend, ayant évidemment percé à jour l’évidence. Je reprends donc, de ma voix la plus douce et compréhensive dont je suis capable. J’ai vu, un peu plus loin dans ce hangar, un jeune homme vous ressemblant beaucoup. Il a été attaqué par des fomoris. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, mais nous arrivés trop tard, je le crains.

En prononçant ces mots, sachant les terribles conséquences que ce type de révélation peut avoir, l’ayant moi-même vécu dans ma chair, je reste sur la défensive, prêt pour éviter toute réaction violente.

Un sourire amer se pose sur mes lèvre devant le discours de l'homme devant moi, j'allais pour donner une réponse cinglante concernant la terre et ses enfants lorsqu'il parle de mauvaise nouvelles. Mon sourire disparaît instantanément alors que mes entrailles commencent à se tordre, anticipant des nouvelles que je crains tout autant que j'espère ne pas entendre.

A la nouvelle, ma respiration se bloque, je suis complètement soufflée par les paroles de l'homme, qui se répètent dans ma tête comme un écho. La douleur, la peur et la colère s'emparent de mon âme en l'espace d'une fraction de seconde, allumant mes yeux d'une lueur enragée, tandis que je rugis en posant ma main sur le coup de l'homme qui me fait face, m'emparant de sa chemise avec force.
NON C'EST IMPOSSIBLE, MENTEUR, VOUS N'APPORTEZ QUE LA MORT ET LA DESTRUCTION PARTOUT OU VOUS ALLEZ. NON, NON, NOOOOOoooonn. Ma respiration est saccadée et je suis visiblement en train de lutter contre moi même, afin de ne pas ceder à l'appel de la frénésie.

Nihahsah:

Tes sens te permettent de distinguer la forme d’homme-loup dans l’aura de l’occidental et du loup qui l’accompagne, confirmant tes soupçons [Sentir la Vraie forme : 4 succès]. Tout cela est bien vite effacé devant la déclaration qui t’est faite. Tu fais rapidement la liaison entre les mots de l’occidental et Djibril.

Non, ce n’est pas possible ! Tentes-tu de rationaliser, mais la panique s’empare de toi en même temps qu’un flot bouillonnant, instinctif, de colère te saisit. Toutes les histoires sont donc vraies, les loups n’apportent que la mort là où ils se rendent.

La Rage menace de s’emparer de toi alors que tu veux saisir l’occidental à la gorge, prête à exploser, et tu as le plus grand mal à ne pas lui céder pour réduire à néant le héraut de la mort de Djibril, et ainsi ne pas faire face pendant quelques instants à la terrible vérité [Rage : 2 Succès / Pas de frénésie involontaire].

Gipsy :

[- 1 Point de Gnose : Heightened senses activé]

Il n’y pas de remugles de corruption qui s’échappent de la jeune africaine qui te fait face [Sentir le Ver : 2 Succès], ce qui est rassurant et t’engage sur la voie du dialogue. A présent que vous êtes en face à face, tu parviens à faire le lien entre la dépouille du jeune homme que vous n’avez malheureusement pas pu sauver lorsque vous avez émergé du pont de lune et les traits de la native qui se tient devant vous. Aussi futile et incongru que cela puisse paraître, tu tentes d’expliquer à une personne inconnue que vous venez de retrouver le corps d'un autre inconnu lui ressemblant. Tâche impossible, qui se confirme lorsque les traits délicats du visage de la femme se tordent en un masque de douleur et de colère.

Avant même que son bras ne se tende vers toi, tu devines son intention, reste à savoir quelles sont les tiennes alors que la Lupus à tes côtés se regroupe sur elle-même dans le but manifeste de bondir à la gorge de ton assaillante. Ton ouïe démultipliée te permet également d’entendre un ronronnement mécanique grandissant malgré les décibels de l’invective dont tu es la cible.

[Initiative Gipsy 15 -  Initiative Nihahsah 14 – Initiative Léa : 12]

[Gipsy, comme tu as l’initiative, tu peux tenter d’esquiver (ou pas) l’empoignade avant que Nihahsah ne t’attrape par le col.]
[Je vous recommande de lire ce post sur ma façon de gérer les scènes d'action.]

Je m'attendais malheureusement à une telle réaction, et je n'empêche pas la jeune femme de m'agripper la chemise avec ses mains.

En revanche, quand elle m'attrape, je pose sans violence mes mains sur ses avants-bras, plonge mon regard dans le sien, fermement mais sans défi à l'intérieur, et prends la parole, amplifiant le poids de chacun de mes mots pour qu'ils prennent toute leur signification [don Persuasion, Charisme + Subterfuge 7 dés diff 7, puis Charisme + Expression 7 dés ?].
Sois logique, et reste calme. Si nous étions les coupables, je ne serais pas en train de parler avec toi. Nous n'y sommes pour rien, mais les coupables ne sont pas loin, et j'entends un bruit qui ne me dit rien de bon.

Les paroles de l'occidental font mouche, et cela se ressent dans ma poigne qui s'affaiblit pour finalement le lâcher. De nombreux sentiments passent en moi, la torture intérieur que je vie est si vive qu'elle me fait grimacer de douleur. Des larmes silencieuses coulent sur mes joues, que j'essuie d'un geste rageur.
Un sourire amer sur le visage je ferme les yeux, et m'adresse à mon interlocuteur d'une voix cassée.

Ou ?

Au fond de mes yeux sombres peut se lire le reflet du drame que je vois se dérouler devant moi, et je ne peux pas m'empêcher en cet instant pourtant critique de ressentir toute la peine et l'incompréhension, toute la colère aussi, de celle qui vient de perdre un frère et qui va de surcroît très vite devoir faire face à de nouvelles épreuves. J'ai connu cela, moi aussi, je ne le souhaite à personne et je compatis sincèrement à sa douleur.

Pourtant, impossible de céder à la faiblesse ou aux sentiments. Le danger est toujours présent. Le temps est à l'action.

Sans lâcher ses avants-bras ni détourner les yeux, je réponds donc sobrement, en désignant du menton la direction d'où provient le bruit mécanique croissant.
Par là. Mais écoute moi : Malgré ta peine et ta colère tu dois faire attention. Tu es sans doute une cible. Nous venons aussi.

La louve considère Gipsy, puis reporte un regard suspicieux sur Nihahsah, mais le grondement qui racle sa gorge finit par s’éteindre. Sa tête va de droite et de gauche à l’évocation d’un bruit, puis, en quelques courts jappements, elle informe Gipsy qu’elle va veiller sur les alentours le temps que vous retourniez dans le hangar. Elle s’éclipse alors rapidement dans les ténèbres.

Vous retournez donc dans le hangar, toujours plongé dans d'inquiètes ténèbres, vaguement troublées par les quelques lampes du plafond épargnées par un ampérage aléatoire. D’un pas vif, Gipsy vous conduit parmi un labyrinthe de caisses de stockage jusqu’à un endroit au premier abord pas différent des autres, à l’exception notable des cadavres qui le jonchent. Au nombre de six, deux d’entre eux présentent les déformations de Fomoris, tandis que trois autres conservent des traits humains malgré les terribles blessures que Gipsy et Léa leur ont infligé.

Mais le plus terrible pour Nihahsah se cache un peu plus loin, entre deux caisses dont il a dû chercher l’abri lors de son agression. Les yeux vides de Djibril contemple un horizon qui n’appartient plus à ce monde. Une terrible blessure a déchiré son flanc, jusqu’à l’hémorragie fatale. Sa main droite semble recroquevillée sur une chose qui n’y est plus.

Un silence accablant règne sur la scène.

J'adresse un signe de tête plein de compréhension à la louve avant qu'elle ne se sépare de nous, puis je guide prudemment la jeune femme qui m’accompagne jusque dans l’entrepôt, vigilant, les sens en alerte amplifiés par les dons de notre Mère.

Je peux déjà anticiper, sentir par avance toute la peine et la détresse, la colère également, qui nous attendent dans cette maudite pièce, quand le drame se dévoilera aux sens de celle qui m’accompagne.
Je la laisse découvrir la scène d’horreur que je connais déjà, cherchant la meilleure position d’observation, restant proche d’elle mais pas suffisamment pour représenter une intrusion dans son intimité dans ce moment d’intense tragédie personnelle et familiale.

Je la laisse retrouver le corps de son frère, encaisser ce choc, visualiser ses blessures et sa position, se faire à cette idée brutale qu’il est mort.
Je me rapproche de quelques pas mesurés, attendant que son regard se porte à nouveau vers moi, signe que je pourrais de nouveau me risquer à lui parler.

Je suis d'un pas nerveux l'occidental tandis qu'il me guide dans les méandres des Docks pour me mener vers mon frère... ou ce qu'il en reste. Je respire bruyamment tant pour m'empêcher de verser des larmes que dans une tentative ratée de calmer mes nerfs. On fini par rentrer dans un bâtiments, nos pas résonnent à mes oreilles, le sang rugit dans mes oreilles au rythme effréné des battements de mon cœur qui s'apprête à chavirer. Je n'entend plus que ma détresse, je ne vois plus que les murs de cette pièce à l'entrée de laquelle l'homme blanc, dont je n'ai toujours pas daigné demander le nom, se poste, me laissant intimité et dignité devant l’épreuve qui m'attend.

Je franchis les derniers pas en apnée, observant les corps des hommes et des Fomori qui jonchent le sol, trouvant finalement celui de mon frère, prostré au fond de la pièce, dans un recoin sombre. Il est mort seul, loin de moi, de nous, dans la frayeur. J'ai tellement honte de n'avoir su protéger un membre de ma propre famille. Tellement mal d'avoir perdu mon frère bien aimé. Les larmes se frayent un chemin le long de mes joues accompagnées par la mélodie de mes sanglots et de mes râles de douleurs. Je pleure la perte d'un être cher et aimé qui plus jamais ne sentira la caresse d'Hélios sur sa peau. J'attrape sa main recroquevillée et l'embrasse, j'embrasse ses joues et son front avant de serrer son corps contre mon torse pour finalement le reposer contre le mur.
Tu existeras toujours dans nos cœurs, Idriss. Je trouverai ceux qui t'ont fait ça, et je t'offrirais leurs cœurs. Cette simple phrase, tout juste un murmure signe mon deuil. Je m'essuie les yeux, les joues, le nez avant de me saisir du corps de mon frère et de me retourner et de croiser le regard de l'occidental. Je renifle bruyamment, un air de défiance sur le visage.

Le temps se dilate à mesure que le chagrin de Nhihahsa s’écoule dans ses larmes et sa douleur. L’air dans le hangar lui se contracte jusqu’à devenir touffu. Instant lunaire où deux cultures se rassemblent autour de la dépouille d’un proche et d’un inconnu. Serré dans les bras de sa sœur, le corps éteint d’Idriss semble disproportionné et incongru. Moment suspendu où vos regards se croisent, s’affrontent et se rassemblent face au deuil.

Gipsy :

Alors que tu cherches tes mots face à l’attitude de défi de la jeune femme, le bourdonnement vient subitement remettre tes sens en alerte. Il ne s’agit pas d’un bourdonnement, mais du bruit d’un moteur. Diesel à l’oreille, sûrement celui d’un gros engin. Tes soupçons se confirment lorsque la façade du bâtiment est éventré par un Bulldozer dans un affreux grincement de tôles déchirées.

Un instant, le toit de l’entrepôt menace de tous vous enterrer alors que l’engin avance inexorablement dans votre direction. Abrités derrière la pelle, deux hommes commencent à tirer sur vous en déchaînant des armes automatiques. Dissimulés par les caisses, Nihahsah n’est pas prise à partie pour l’instant, et les sens surdéveloppés de Gipsy lui évitent d’être surpris.

[Initiative : Gipsy > Adversaires > Nihahsah]

L'entrée est fracassante à défaut d'être discrète, et après un regard dans un éclair en direction de la toiture pour vérifier que l'ensemble de la structure de l'entrepôt ne nous tombe pas dessus, je fais immédiatement appel aux enseignements de Caméléon pour tâcher de disparaître à la vue de nos assaillants, misant sur l'amoncellement de caisses et le désordre causé par le bulldozer pour me dérober à leurs regards. [activation de Blissful Ignorance, Stamina+Stealth diff 5]

Je me transforme ensuite en Crinos, [Stamina + Primal-Urge diff 6] tout en commençant à me déplacer. Souplement et silencieusement, je vais tenter de contourner nos assaillants pour les prendre à revers, évitant ainsi également la protection accordée par la pelle de l'engin. [action suivante je pense, mais j'annonce quand même]

C'est avec surprise que j'entend plus que je ne vois le mur se faire éventrer, suivi d'une partie de la toiture du hangar. Visiblement les assassins de mon frère sont encore ici, et on décidé de finir leur travail, ils devaient surveiller les bâtiments. Savait-ils pour ma rencontre avec Idriss ? Probablement...

La surprise me fait me recroqueviller sur le corps de mon frère qui est en partie tombé au sol dans la foulée, visiblement les tirs ne se font que sur l'homme blanc, ce qui veux dire qu'ils ne m'ont pas vu. Poser mon regard sur l'engin réveille toute la colère que j'accumule depuis des semaines. J'ai été enlevée, agressée, ma famille est détruite...  J’accueille le flot de rage et de vengeance qui brûle dans mes veines avec un plaisir, faisant corps avec lui et laissant mon corps changer pour épouser ma forme Archide tout en sortant de ma cachette, bien décidée à détournée l'attention du guerrier de Gaïa qui va pouvoir prouver de quel côté il se trouve. [Activation instantanée de la forme Archide : 1 Rage]

A ma place se trouve un immense reptile dont le premier qui vient à l’esprit est dragon. Mon corps puissant est recouvert d'une véritable armure d'écailles colorées, du vert, du orange, du blanc, du noir. Mon dos est pourvus d'immenses ailes, tandis que le long de mon échine se déploie une impressionnante crête, noire et orange pourvue de pointe d'os a intervalles réguliers. Je pousse un cris de défis à mes adversaires, dévoilant une rangée de dents effilée, mais surtout disparaissant sous une montée de flammes. [Activation de Souffle du Dragon]

Le chauffeur du tractopelle a un rire démoniaque alors qu’il projette son véhicule vers Gipsy. Son rire s’éteint lorsque Gipsy disparaît de sa vue [Gipsy : Blissful ignorance : 5 Succès] pour laisser la place à une créature mythique d’un autre âge [Nihahsah : -1 Rage]. Surpris, le conducteur fait une brusque embardée, mais la collision est inévitable. D’une roulade, Gipsy parvient à éviter le véhicule incontrôlable tout en prenant sa forme Crinos [Stamina + Primal urge :  4 Succès / Dexterity + Dodge : 3 Succès], et se retrouve en position idéale, à revers des deux tueurs et de leur engin de chantier. Ce dernier s’écrase contre le flanc du reptile gargantuesque [Soak : 4 Succès VS 5 lethal damages – Nihahsah subit 1 Lethal damage], envoyant valdinguer les deux créatures en tout sens.

L’un d’eux atterrit à moins de trois mètres de la forme invisible de Gipsy tandis que l’infortuné second se retrouve face à la gueule du dragon, où un foyer incandescent attend d’être libéré.

Alors que vous vous apprêtez à agir, une forme semble surgir de nulle part, comme expulsé du ciel avant de s’effondrer au sol. Une forme humanoïde et musculeuse, à la tête de loup et la crinière blanche, maculée de tâches verdâtres. Elle tombe inanimée au sol, trop loin de vous pour que vous ne puissiez faire quoi que ce soit pour le moment….

Ma roulade toute en souplesse à peine effectuée, je résiste à l'appel d'air provoqué par l'engin lancé à toute allure auquel je viens d'échapper de justesse.

Du coin de l'oeil, je perçois un mouvement qui attire mon attention, une forme qui s'effondre au sol non loin de moi au beau milieu du combat.
Un élan naturel et bien compréhensible s'empare de moi une fraction de seconde, car cette forme ressemble furieusement à un membre de mon espèce qui aurait été peut-être brutalement éjecté de la Pénumbra.

Mais ce n'est pas l'heure de raisonner, pas encore, d'abord il faut éradiquer la menace avant de lui laisser le temps de se reprendre.
Je profite donc de ma situation favorable pour fondre littéralement sur ma proie, l'homme - ou l'être - tombé à quelques mètres de moi à peine, et d'un violent mouvement de griffes je cherche à mettre son corps en pièces. [Dextérité + Bagarre = 7 dés diff 6 je suppose]

Le véhicule me percute violemment, m’entraînant dans une danse de laquelle je me remet vite. J’aperçois dans ma vision périphérique la chute d'une créature au traits lupins, probablement la louve qui accompagnait l'occidental, qui tombe comme de nul part. Je n'ai guère le temps de m’apitoyer sur son sort, mais qu'ils soient restés alors que j'étais clairement la cible de ces sbires du dévoreur calme un peu le mépris souverain que j'éprouve à l'égard des Loups.

Le moyen le plus efficace à l'heure actuelle de pouvoir faire quelque chose étant encore d’annihiler la menace je libère le feu qui couve dans ma gueule sur le fomor qui me fait face, sans pitié tout comme lorsqu'ils ont abattus mon frère. Un torrent de flammes aux reflets de haine se déverse de ma bouche, faisant encore monter la température si c'était possible et embrasant tout support inflammable sur sa route. [1 Rage; Dex+Bagarre; +3 Rage Supp et 1 volonté]. Le souffle s’atténue pour finir sur une énorme boule de feu que je projette en direction de ma cible, transformant l'air en une fournaise incandescente réduisant en scories tout ce qu'elle caresse de son étreinte brûlante. Je réduit en cendres mon ennemi avec une ferveur décuplée par la colère, la peur et la tristesse que j'ai accumulé ces derniers jours. Je sais désormais qu'ils ne sont que les premiers pavés d'un chemin semé d’embûche.

Après avoir plié dans un affreux bruit de tôle froissée, le bulldozer gît aux côtés du titanesque reptile d’un autre âge. Déboussolé par sa chute, l’assaillant qui s’est échoué face à la créature se relève péniblement en cherchant l’arme qu’il avait à la main quelques secondes plus tôt. Ce n’est que là qu’il réalise la criticité de sa situation, face à une gueule qui libère sur lui un torrent de feu aussi brûlant que la colère d’une sœur en deuil. En une vaine tentative, l’homme dresse ses bras contre son visage comme pour se protéger. Le résultat n’est pas à la hauteur de son réflexe, amas de chair fumantes et calcinées, son corps recroquevillé s’effondre au sol.

Gipsy profite de la diversion créée par le spectacle invraisemblable du Dragon pour s’approcher dans le dos du second assaillant. Bien décidé à réduire lui aussi son adversaire à un obstacle vaincu, le coup porté atteint bien sa cible mais, mal ajusté, semble glisser sur le cuir qui la protège. L’assaillant se retourne alors, laissant son regard fou croiser celui du Garou. Il se relève prestement et tente de prendre la fuite vers le trou béant laissé dans l’entrepôt par l’arrivée fracassante du tractopelle.

Attaque Gipsy [Dexterity = Brawl= 3 Succès / Dégâts : 0 Succès]

Attaque Nihahsa [Dexterity = Brawl= 0 Succès + 1 Succès automatique / Dégâts : 8 Aggravated] => Adversaire mort.

Fuite de l’humain [Gipsy à 2 mètres, Nihahsah à 12 mètres.]

Je reste moi-même un instant interdit devant le spectacle offert par Nihasa, je découvre d’un coup d’un seul une image appartenant aux légendes de la Nation Garou, me renvoyant à un passé peu glorieux mais aussi à la contemplation stupéfaite de la puissance destructrice de la guerrière.

Peut-être est-ce ce qui me perturbe et m’empêche de porter le coup fatal que j’avais imaginé. La créature qui n’a plus grand-chose d’humain se redresse et cherche à fuir, mais mes réflexes reprennent le dessus, et en un éclair je cherche à la stopper dans sa course en lui labourant le dos de mes griffes.

[Dex + Bagarre 8 dés diff 6]

La cible étant trop loin pour moi je laisse le garou s'en charger. Après tout ils ont prouvé à mainte reprise à la nation des changeur de forme qu'ils étaient capable de nombre de prouesse au combat.

Je m'approche de l'autre garou qui c'est écrasé au sol d'un pas lourd et décidé. Devrais-je l'achever au nom de tout les miens qui ont été sacrifié sur l'autel de la démence ? La vengeance serait douce aux oreilles de mon peuple... Je me secoue intérieurement en me remémorant les réminiscences dont m'à fait don la mémoire de mon peuple et de mes ancêtres.

Je regarde de nouveau l'être au sol, ravalant la colère qui brûle en moi, fruit des souvenirs des exactions des siens et l'observe essayant de savoir ce qui ne va pas.

Le dernier de vos assaillants n’a pas le temps de s’esquiver avant que les griffes acérées de Gipsy ne lui labourent le dos en y traçant des saillies purulentes, confirmant la nature Fomori de la créature. Celui-ci s’effondre au sol, à présent offert à un coup de grâce. Alors que tu t’apprêtes à décider du sort de ta cible, ton œil est attiré par un autre mouvement dans les ombres à une trentaine de mètres de ta position, en direction de la sortie du bâtiment. Impossible du fait de l’angle pour Nihahsah de le voir.  L’individu paraît vouloir s’éclipser, mais tu remarques que sa démarche est maladroite, pataude. Dans le même temps, dans une vaine tentative de profiter de ta distraction, le Fomori essaie de se relever pour échapper à ta position dominante.

Nihahsah, tu t’approches de Léa du pas pesant de ta forme draconique. La louve est face contre terre, sous sa forme Crinos. Sa respiration est difficile, et sa fourrure d’ordinaire éclatante est maculée de tâches d’un vert fluorescent repoussant : du Malfeu ! Dans un râle agonisant, elle tente de se relever, mais ses bras fébriles cèdent et elle retombe lourdement sur le sol cimenté. Son regard vide dont les yeux se plissent ne semble pas bien distinguer la forme reptilienne de Nihahsah, et elle lâche dans un souffle : « L’Umbra… Polluée et dévoyée… L’océan… noir. » - Son souffle s’accélère et elle lâche un cri de douleur - « multitude de Flaïels qui dansent… » - Elle tousse du sang - « …  qui dansent sur les eaux noires. » - Son regard devient vitreux - « … trop nombreux, je n’ai pas pu… Pardonnes moi, Mère, j'ai échoué... » Ces derniers mots meurent dans sa bouche tandis qu’elle exhale un dernier souffle. Doucement sa forme reprend alors l’apparence d’une louve, sans pour autant que la souillure du Malfeu ne s’efface.


Gipsy : Attaque  [Dexterity + Brawl= 3 Succès / Dégâts : 4 Succès]
Gipsy : Observation [Perception + Vigilance = 2 succès]

Je maintiens ma proie au sol, suivant du coin de l'oeil cette silhouette qui s'éloigne en cherchant à rester discrète. Mon regard est alors de nouveau attiré vers l'énorme masse sortie de l'Umbra et venue s'effondrer au sol, qui reprend sa forme de louve en rendant son dernier soupir, aux pieds de la changeuse de forme sous sa forme draconique.

Je n'ai que trop souvent assisté à cette tragédie, mais cette fois-ci plus que les autres fois, une boule de tristesse absolue et de colère irrépressible m'envahissent simultanément. Peut-être est-ce la douleur de voir ce Garou que j'ai à peine connu, même si nos relations n'ont jamais été extraordinaires, s'éteindre si loin de chez elle. Peut-être est-ce une culpabilité naturelle de celui qui a fait ce voyage avec elle, et n'était pas là le moment venu. Mais nous sommes tous deux des Guerriers de Gaïa, et au final, plus que tout, c'est certainement tout simplement la vision de l'héroïsme tragique auquel est promis notre espèce qui me prend les tripes en cet instant fugace.

Mais cette colère est aussi une force, une détermination absolue, une haine de mon ennemi et une volonté de ne pas le laisser s'en sortir si facilement. Ensuite seulement viendront les hurlements pour les morts glorieuses.
D'un geste mortel et enragé, je plante mes griffes dans le cou du Fomori jusqu'à lui séparer la tête du reste du corps. [Dextérité + Bagarre = 8 dés]
Puis je me précipite sur les traces du fuyard, non sans jeter un regard en direction du Dragon pour qu'elle puisse comprendre mon intention, si tant est que son instinct soit proche de celui du loup que je suis.