La voie du Lion - Dajan Kamblès

« … ET IL DEVORERA LE MONDE CAR TELLE EST L’ESSENCE MÊME DE SA NATURE !!! »

Réveil brutal. Tu reprends lentement pied dans la réalité tandis que les lambeaux de ton songe disparaissent en te laissant un goût amer dans la bouche. La douleur sourde renaît aussi de ses cendres, pulsation enflammée au niveau ton épaule gauche. Là où Korben a planté ses crocs lors de votre affrontement sur le marché. Korben… Un membre de ton propre pride qui se retourne contre toi. Ou est-ce toi qui t’es retourné contre lui et ton pride ? Tu as défié un ordre de ton Bon Baht, celui qui a fait de toi ce que tu es.

Tout est parti de travers depuis que tu as rencontré Nihahsah.

Nihahsah. Pour une raison que tu ne parviens pas à t’expliquer, cette femelle lézard te fascine. Intuitivement, tu sens qu’il s’agit d’un personnage central dans les événements à venir. Mais pourquoi ? Est-ce que ce feeling est assez pour risquer de s’opposer à Black tooth.

Tu as choisi. Que Séline te garde.

Tu te relèves en grimaçant sous la douleur. Après l’affrontement avec Korben, tu t’es réfugié dans une cabane de bois abandonnée à quelques mètres du marché. La blessure a dû te faire perdre conscience. La chaleur est étouffante dans cet abri précaire, et les insectes zonzonnent autour de toi. Voilà où tu en es… Blessé, seul et incertain sur les jours à venir. Tu rectifies : sur les minutes à venir. Tu as suffisamment blessé Korben pour qu’il ait abandonné ta piste momentanément. Mais ce n’est qu’une affaire d’heures avant qu’il ne reprenne sa chasse. Le Simba rwandais n'est pas du genre à lâcher prise. Avec toi-même ou Nihahsah comme proie.

Dans ta main ton téléphone. Tu cherchais sûrement à joindre quelqu’un avant de perdre connaissance. Dans ton journal, les deux derniers appels : Nihahsah et un numéro que tu sais être celui de Matthieu Harcourt*.

Tout est une affaire de choix.

* Si possible, je te conseille de relire cette page, il y a beaucoup d’informations sur la situation de Dajan: https://heritages.forumactif.org/t5p25-sur-la-corde-raide-nihahsah

Les résidus de rêve embrument encore mon esprit, mais la douleur de mon épaule les chasse aussi rapidement que la fuite de la gazelle.
Juste après je sens la moiteur de mon t-shirt imbibé de ma transpiration et de mon sang. Chassant les mouches qui commencent déjà à s'inviter au festin, je me relève, passant ma main sur mon visage. Je devais être vraiment à bout de force pour m'affaler ici, dans ce taudis, plutôt que de rejoindre mon royaume, le seul endroit où je serais en véritable sécurité. Au moins je suis entier.

Au bout de quelques secondes, mon esprit s'éclaircit assez pour que les souvenirs reviennent. et je ne peux m'empêcher de parler à voix haute

Mais qu'est ce qu'il m'a pris? Black Tooth va m'écorcher vif.

Un instant je suis tenté de retourner auprès de lui, d'implorer son pardon et de me racheter. Voir de lui livrer la lézard. Après tout j'ai trahi le Karoush, j'ai manqué à ma parole, je me suis retourné contre celui qui a été mon Kuasha.

*Et pour quoi? Pour une lézard que je viens de rencontrer!*

Un instant je suis tenté de la trahir, de la ramener à Black Tooth en guise de pardon et d'offrande. Mais je réalise que cela n'est qu'une pensée de singe. Je ne suis pas un singe peureux, je suis un Simba, je suis un Tilau, je suis né dans la savane sous le regard de Seline et si elle l'a mise sur ma route, si elle a insufflé dans mon coeur ce sentiment d'importance, c'est le chemin que je dois suivre. Quand bien même cela serait ma perte.

*Le lion ne tourne pas le dos au danger. Je n'ai pas le choix, il me faut continuer à avancer sur ce chemin.*

Je ne m'explique pas mon appel à ce Harcourt, mais l'urgence n'est pas lui. Je rappelle donc Nihahsah.

La chaleur s’appesantit sur cette fin d’après-midi  tandis que tu remets tes idées en place. Alors que tu cherches le téléphone portable que tu avais remisé dans la poche de ton jeans, ton regard se pose incongrument sur une masse noire-bleutée qui siège dans l’un des recoins du plafond de bois pourri. L’étrange sensation que les yeux multiformes de l’araignée t’observent ne te quitte pas tandis que tu poses le téléphone à ton oreille.

Tu constates avec surprise que le numéro de Nihahsah ne sonne même pas, laissant la place à un bruit désagréable, semblable au son que ferait une télévision avec un écran brouillé. Tu réessaies trois fois pour le même résultat. Soit tu es dans une zone dénuée de réseau, soit la lézard n’est pas joignable. Déçu de ce résultat, tu redresses la tête vers le plafond de la cabane et constate que ton observatrice suspectée a déserté le plafond, ou est allée se cacher ailleurs.

Au moins es-tu parvenu à obtenir une information, il est bientôt 18 heures et le soleil ne va pas tarder à aller prendre ses quartiers de nuit dans l’océan atlantique. Alors que tu t’extrais de la cabane en décomposition, tu manques de percuter une jeune femme qui se tenait près de la porte. Dans la trentaine, sans être particulièrement belle ou vulgaire, elle dégage un puissant attrait sexué. Ses dreadlocks descendent dans son dos, et elle te considère d’un air goguenard. Sa voix est légèrement grave mais ses intonations la définissent comme une habitante locale.

- Alors chaton, on regarde pas devant soi ? Trop soucieux pour faire attention ?

L'échec des appels ne me laisse que de la frustration et de l'inquiétude.

*Pourvu qu'ils ne l'aient pas déjà attrapé.*

Au moins j'ai une estimation du temps qui s'est écoulé depuis que j'ai sombré. Et il est bien trop important.
Tourner en rond comme un lion en cage ne me servira à rien, je décide donc de bouger, de quitter cette cabane délabrée pour essayer de rejoindre d'autres quartiers de la ville.
C'est donc l'esprit agité et tourné vers les risques qui planent au dessus de moi que je franchi le seuil et percute la jeune femme qui se trouve au dehors. En la voyant, je sais instinctivement que la reproduction avec cette femelle serait agréable et son attitude tend à me laisser croire qu'elle en a autant à mon égard.

Cependant une autre partie de moi ne peut s'empêcher de rugir DANGER! Et je suis assez préoccupé par le sort Nihahsah et le fait qu'à cette heure mon Pride, ou devrais je peut-être m'habituer à dire ancien Pride, doit être activement à ma recherche et que je risque fortement de regretter qu'ils me trouvent.

Pourtant son "chaton" me laisse perplexe. Juste un tic de langage ou quelque chose de bien plus direct?

Je regarde donc la jeune femme avec un air d'excuse mais lui souris tout de même

Désolé miss, un peu trop pressé. Et encore plus de ne pas avoir le temps de me faire pardonner.

Sur ces mots je m'apprête donc à reprendre ma route.

La femme te renvoie un sourire et s’écarte pour te laisser le chemin, mais à peine as-tu fait quelques pas qu’elle déclare :

- Tu n’as pas peur que l’autre chat qui te courrait après ne traîne dans les parages… ?

Si la réplique ne manque pas d’alimenter tes doutes sur l’utilisation du vocabulaire employé par cette étrange femelle aux dreadlocks de longue taille, le fait qu’elle se soit écartée de ton chemin t’apporte une information précieuse : tu es encore dans le quartier du marché, à quelques rues de ton affrontement avec Korben. La voix flûtée et amusée dans ton dos reprend :

- Il est parti. Sûrement rendre compte à son maître. Elle ajoute, espiègle : Qui est aussi le tien, n’est-ce pas chaton ? Je me demande ce que le légendaire Black Tooth vient faire dans notre misérable demeure. Les hyènes ont fini de le distraire ? Tu crois que ça a à voir avec la Reine-lézard?

Silence.

- Elle est partie, elle aussi. Mais je sais où...

A sa première phrase je me fige. Même si j'ai maintenant une idée d'où je suis, le vocabulaire de la femelle n'est pas un tic de verbiage.

Sans encore me retourner je la laisse finir de dire ce qu'elle souhaite, alors seulement je me retourne vers elle, lentement, une certaine sauvagerie brillant dans mon regard.
Sans un mot, en deux pas rapide, je me tiens devant elle, bien trop prêt pour que la morale ne décide pas de tourner le dos. Un instant, dans un réflexes naturel, je me penche vers elle, approchant mon visage de son cou et inspire par à-coup, tournant mon visage autour de sa tête.

D'un coup un déclic semble se faire dans mon esprit et dans un souffle je dis

Ananasi!

C'est comme si ce mot se suffisait à lui même. Mon visage semble se durcir, ayant même un feulement silencieux, qui sous ma forme naturelle aurait été un rugissement. Pourtant je ne bouge pas de cette proximité. Je suis un lion, et nous n'avons pas peur d'une araignée, quant bien même elle est dangereuse. Et je vais même plus loin, attrapant ses épaules et la collant contre le mur derrière elle. Je peux ressentir l'électricité entre nous deux, et je ne sais pas comment ça finira, mais j'ai décidé d'arpenter ce sentier et il me faut le faire jusqu'au bout.

Ce que je crois n'a pas d'importance. Ce que tu sais si. Que veux tu en échange de cette information?


Je sais très bien que je joues un jeu dangereux. Black Tooth m'a parlé de cet espèce et le peu qu'il m'en ai dit ne m'incite pas à lui faire confiance. Pourtant je suis dans une situation où il me faut prendre des risques.

La femme ne recule pas devant ta subite avancée dans sa direction. Un sourire amusé joue même sur ses lèvres, tandis que tu respires la lourde odeur de son parfum capiteux. Ce même sourire ne la quitte pas alors que tu lui craches le nom des Arachnidés-garou. Dans un souffle frais et épicé, elle te répond:

- Que mon chaton est intelligent…

Elle se laisse faire lorsque tu la plaques contre le bois vermoulu de la cabane qui t’a abritée, et adopte un comportement faussement effrayé tandis que tu feules en sa direction.

-... Et féroce, glisse-t-elle.

Ses yeux plongent dans les tiens lorsqu’enfin tu lui demandes son prix. Son regard te paraît alors multiple, comme si elle percevait des choses inaccessibles pour toi. Son odeur est entêtante et pourtant terriblement attrayante. A nouveau son haleine épicée vient aguicher ton odorat :

- Ce que je veux… Rien de ta part, chaton. C’est toi et ta femelle lézard qui avez besoin de moi, pas le contraire. Son sourire goguenard refait surface un bref instant. Elle paraît parfaitement consciente de l’agacement qu’elle doit susciter chez toi. La Grande-Toile vibre du réveil d’une puissance longtemps oubliée. Son réveil attise les convoitises, et risque de déchirer les fils de la réalité. Je ne te demande rien chaton, mais fais savoir à ton amie le moment venu que vous n’arriverez à rien sans nous.

Elle se dérobe à ta prise avec souplesse et ajoute: "Si tu veux la trouver, demandes à parler au vieux Opeyemi.  Il vit de l’autre côté du Carter Bridge, sur la lagune. Demandes aux enfants du quartier."

Elle dépose rapidement un baiser sur ta joue puis s’éclipse derrière la cabane si tu ne tentes rien, te laissant indécis à l'égard de ses étranges paroles.

Effectivement, la proximité de son corps, le parfum entêtant de sa peau et l'étrangeté de son regard réveille ma part animal. Le mâle en moi veut cette femelle, il veut lui mordre le coup et lui imposer sa force pendant qu'il s'accouple avec elle, comme cela doit être fait.
J'ai même certaines images qui se forment subrepticement dans mon esprit, des images où je nous vois tous deux les corps nus et en sueurs, le souffle court poussant des râles de plaisir et de victoire.

Pourtant l'instant d'après une succession d'autre images s'impose, le visage de Nihahsah suivit d'un Blacktooth en colère et de mon pride, surement mon ancien pride maintenant.

C'est surement ce qui m'empêche de la maintenir alors qu'elle me glisse des mains et qu'elle échappe à mon étreinte. Sa dernière phrase qui m'indique où retrouver celle que j'essaie de protéger est un soulagement et lorsque l'ananasi cherche à disparaitre, je la rattrape par le poignet et la tire de nouveau à moi.

Ton nom au moins, que je puisse te recontacter au besoin.

Une fois qu'elle me l'a donné ou qu'elle m'a signifié que je n'en saurais rien, je me retourne et prends la direction du Carter Bridge en lançant un Merci.

Lorsque tu lui saisis le poignet et la tire vers toi, à nouveau elle ne résiste pas. Son odeur capiteuse envahit à nouveau tes sens jusqu’à l’étourdissement.

- Doucement chaton, tu ne voudrais pas me faire du mal maintenant que nous sommes amis. Si tu veux un nom, je peux te le donner, inutile de te comporter comme un mâle en ruth, chaton. Tu peux m’appeler Noomi. Et si tu veux me joindre, il te suffit de venir dans le quartier du marché, c’est moi qui te trouverais. Elle t’envoie un sourire cajoleur. Je peux y aller maintenant ?

D’une légère torsion du poignet, elle se libére de ta prise. Elle reprend ensuite tranquillement son chemin, mais se retourne après quelques mètres pour t’adresser un nouveau sourire mystérieux quand tu la remercies. Elle disparaît enfin dans un ensemble de cabanes qui jouxte l’endroit de votre rencontre et forme un quartier misérable.

Le quartier qui t’a été indiqué se trouve sur la Lagune qui a donné son nom à la ville. Pour t’y rendre, il te faut quitter l’île de Lagos, traverser le Carter bridge et rejoindre les quartiers du nord-est de la ville. Il s’agit d’une sorte de bidonville, posé sur des pilotis où une multitude d’enfants courent et jouent dans les rues, tandis que les femmes s’activent à cuisiner autour de feu de bois. Les hommes sont rassemblés autour des tables de petits bars improvisés et discutent avec animation en sirotant des bières.

Il te suffit d’interpeller quelques enfants avant que l’un d’entre eux ne finisse par t’indiquer une cabane donnant directement sur l’eau, aux abords de la mangrove. Tu t’approches de la maisonnée, tandis qu’une vieille femme observe ton arrivée alors qu’elle lave de la vaisselle directement dans les eaux de la lagune. Elle t’interpelle alors que tu te diriges vers la cabane :

- Mon fils, tu cherches quelqu’un ?

Lorsque tu lui indique le nom d’Opeyemi, elle sourit, révélant une dentition aléatoire, mais il se dégage d’elle une bienveillance naturelle. Elle te répond amusée :

- Le vieux est en train de se reposer, il a reçu de la visite il n’y a pas longtemps et il est fatigué. Mais viens manger mon fils, Maman Abigail va te préparer des bananes cuites et du poisson. Viens t’asseoir en attendant que je finisse la vaisselle du vieux Opeyemi, finit-elle, en t’indiquant un tronc coupé à proximité de sa position.

Tout à la poursuite de sa tâche, elle te demande :

- D’où viens-tu mon fils ? Tu n’es pas d’ici, hein ?

*En Afrique, les anciens sont particulièrement respectés. On ne leur parle jamais mal, et il est de coutume que les plus jeunes respectent leur parole. Les femmes appellent les enfants « Fils ou filles », indistinctement de liens du sang ou non. De la même manière, les jeunes appellent les vieux « Maman ou Papa ».

De nouveau sa proximité et son odeur éveillent en moi l'instinct primal, mais je garde mon calme et renvois le désir loin de mes préoccupations premières. Après tout je ne suis plus un lionceau excité devant sa première femelle en chaleur. Même si son petit jeu rend la tâche plus compliqué.

Dès que j'ai mes informations, je pars à la recherche d'Opeyemi et pour cela je dois traverser la ville. Même si cela fait plusieurs années que je vis en grande partie au milieu de leur "civilisation", je ne comprends toujours pas la logique humaine. Ils s'entassent dans des villes en si grand nombre que cela entraine des tensions inutiles. Mais le pire est qu'il ne prenne même pas soin de leur territoire. C'est sale, ça pue, c'est bruyant. Il n'y aucun sens de meute. Les singes sont vraiment désespérants. C'est ça que je devrais faire, repartir dans la savane, sentir l'herbe me chatouiller le museau et le sang de la gazelle couler le long de mon menton. Je pourrais vaincre un mâle et lui prendre son territoire et ses femelles. Un instant je joues avec cette idée alors que je traverse la ville sans un regard pour les passants, sans un mot pour ceux que je viens à bousculer par inadvertance. Mais j'ai une mission à accomplir, un devoir envers Seline.

Durant le trajet, je reste tout de même sur mes gardes, surveillant les alentours, veillant à ne pas être suivi. Par moment je fais même exprès de me perdre ou de rebrousser chemin. Tout cela rallonge mon trajet mais m'assure que pour l'instant mon ancien Pride ne m'a pas retrouvé.

Lorsque j'arrive au bidonville, je suis par l'odeur et le désordre des lieux, mais au final il n'est pas différent de ceux que j'ai traversé. Décidément je ne les comprendrais jamais. Grâce aux gamins je m'oriente et fini par trouver la maison de l'ancien. Comme il ne semble pas disponible de suite il me faut attendre, et bon l'invitation de cette vieille femme vaut mieux que de rester debout devant une porte. Je m'installe donc à son côté et lui répond avec une voix douce, même si mes yeux transpercent les alentours à la recherche d'un signe montrant que le Pride m'a retrouvé.

Non je ne suis pas d'ici maman. Et je ne suis pas certain que d'où je viens ai une réelle importance. Ce qui est plus important est que j'ai besoin de voir papa Opeyemi et que plus je reste ici, plus vous courrez un danger.

Cependant, je ne me pleins pas de cet arrêt forcé, surtout vu la promesse du plat qu'elle veut me préparer. Une des choses que je reconnais de bien chez les singes, leur cuisine.

La vieille femme a un petit rire sur ta dernière phrase :

- Papa Opeyemi est très vieux, mais son pouvoir est encore grand et il sait défendre sa famille et sa couvée. Sois tranquille, personne ne viendra t’importuner ici si tu viens en ami.

Lorsqu’elle en a terminé, elle quitte les eaux de la lagune et te tend la marmite pleine de vaisselle pour que tu la portes. A sa suite, vous vous approchez d’un feu de bois bordé par trois grosses pierres sur laquelle chauffe déjà une marmite aux odeurs épicées. Elle te fait patienter là, en te faisant la conversation sur les changements de la ville, sur les politiques qui ne s’occupent pas d’eux, sur ses enfants qui font des études en Europe… Tout cela prend une bonne heure, et elle doit à plusieurs reprises t’intimer la patience tant ton appétit s’aiguise.

Enfin, tu es autorisé à t’installer sur la terrasse pour déguster la plat qui t’est servi. La vieille sait y faire, le plat est succulent et ton impatience est calmé pendant un moment. Alors que Séline monte dans le ciel, la vieille allume une lampe à pétrole et tu entends la toux d’un vieil homme dans la maison. Quelques instants plus tard, Opeyemi fait son apparition sur la terrasse tandis que maman Abigail finit de débarraser tes couverts.

- Tu mangeras ? demande –t-elle.
- Non, je n’ai pas faim maman. Il fait froid ce soir, répond l’ancien.

Cet échange te permet de détailler Opeyemi. Assez grand, mais maigre, son regard laiteux indique qu’il doit être aveugle. Il s’installe sur une natte à tes côtés, et tourne sa tête vers toi, enveloppé dans un vieux pagne.

- Tu es blessé, dit-il, je sens l’odeur du sang. Et une autre odeur… plus féminine, dit-il avec un sourire amusé.

Son visage redevient grave quand il ajoute :

- Je sais que tu as des questions, mais le vieux Opeyemi est fatigué et nous attendons d’autres invités. Lorsqu'ils arriveront,  les réponses viendront elles aussi.

Près d’une heure d’un silence presque gênant plus tard, où tu te demandes même si le vieil africain ne s’est pas rendormi, deux phares jaunes viennent éclairer la terrasse sur laquelle vous vous trouvez. Trois personnes en sortent, et ton regard aigüe n’a aucun mal à reconnaître la silhouette de Nihahsah.

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